Humeur

Pour être accepté, un impôt doit être juste.

La particularité du prélèvement sur le produit brut des jeux du PMU est que, contrairement à l'impôt sur le revenu ou celui sur les sociétés, il affecte un chiffre d'affaires et pas un résultat. A ce titre, il est issu d’une concertation entre l'État et le monde hippique et s’apparente plus à un partage de ressources entre partenaires qu’à un outil fiscal classique.

C’est pourquoi l’idée du Gouvernement d’augmenter cette part de l’Etat sans concertation et sans contrepartie est perçue comme une injustice par la filière hippique qui voit là la rupture d’un contrat de confiance.

La meilleure démonstration de l’existence d’une communauté d’intérêts entre la filière course et l’Etat sera le résultat économique de cette journée “sans course” du 7 novembre 2024. Sans course et sans chiffre d'affaires pour les milliers d’exploitations agricoles qui font vivre le show, mais aussi sans course et sans recette fiscale pour le budget de l’Etat.

Si les professionnels des courses ont choisi à contre cœur de manifester pour exprimer leur réprobation c’est bien parce qu’une diminution de leurs ressources alors que leurs charges ne cessent d’augmenter est une injustice ; mais c’est aussi à cause de la façon plus que discutable dont cette nouvelle est annoncée.

Pas de concertation préalable et pas de négociation donc mais des rumeurs de hausse de la taxe dans le texte initial, puis le contraire, ensuite des amendements déposés par un groupe de députés, des sous amendements, des contres amendements, des votes encourageants, un ministre du budget qui annonce qu’il comprend et soutient la filière à titre personnel mais qui défend la taxe et un amendement gouvernemental le lendemain à l’assemblée. Avec toujours en suspens le risque d’une information mal comprise par le gouvernement et d’un retour de la surtaxe dans un texte non amendable par l’usage du 49-3. On n’en peut plus et on n’y comprend plus rien sinon que les professionnels sont placés dans un climat anxiogène insupportable.

Pour être accepté, un impôt doit aussi être efficace.

Or cela serait tout l’inverse dans l’hypothèse d’une augmentation du prélèvement sur le produit des jeux.
C’est en effet oublier qu’une fois l’Etat servi, pour environ 830 millions d’euros chaque année, les sociétés mères des courses, co-propriétaires du PMU, ré-injectent leur part dans la filière, afin de ruisseler jusqu’aux acteurs de terrain, qui par leur travail quotidien assurent la continuité de l’activité support du pari... et donc la continuité des rentrées fiscales !

Le dispositif ingénieux et unique des paris hippiques permet d’attribuer des primes de courses aux éleveurs, entraîneurs et drivers-jockeys qui constituent une part importante de leur chiffre d’affaires avec lequel ils entretiennent leurs structures et leurs cavaleries et rémunèrent leur personnel.

C’est également cette enveloppe qui participe à la vie des hippodromes qui doivent également beaucoup à la passion et au bénévolat et qui, rappelons-le, participent à l’animation des territoires.

Maintenir le niveau de cette rémunération est d'autant plus nécessaire que les acteurs de la filière hippique ont à faire face à des contraintes réglementaires de plus en plus fortes. Ils s’engagent également volontairement dans des démarches d’amélioration de leurs pratiques au regard des attentes sociétales, ce qui nécessite des investissements.
A titre d’exemple, 179 hippodromes sur 235 se sont déjà engagés dans la labellisation EquuRES, délivré sous le contrôle d’un organisme certificateur accrédité par le COFRAC, et particulièrement exigeante en termes de respect de l’environnement (préservation de la ressource en eau, économies d’énergie…) et du bien-être animal.

Détruire ce cercle vertueux c’est vouloir faire produire toujours plus d'œufs à une poule tout en lui donnant moins de grain… tout cela parce qu’on la prend pour une poule aux œufs d’or, qui produirait de la recette fiscale comme par magie !

Au delà d’assurer le maintien de l’activité des courses le chiffre d’affaires des jeux participe également, via le fonds Eperon, au financement de l’ensemble de la filière cheval dans ses dimensions sportives, d’élevage, d'animation des territoires mais aussi de recherche fondamentale et appliquée sur des sujets aussi primordiaux que le bien-être équin, la santé animale, l’épidémiosurveillance, la préservation de l’environnement...

Dans tous les cas, les décisions “d’économies” prises sous la contrainte budgétaire par les Sociétés Mères des Courses auraient pour conséquence immédiates d’atteindre les plus fragiles parmi les entraîneurs, les éleveurs et la diminution du nombre de partants en courses, donc les recettes fiscales directes.

Le modèle économique de la filière hippique serait alors fragilisé et par effet de domino, s’en suivrait la diminution des contributions fiscales des entreprises de la filière et de leurs salariés.

A ces conséquences directes et indirectes sur le niveau des recettes fiscales s'ajoutent l’impact que la disparition d’exploitations agricoles ou d’hippodromes ruraux aurait sur la vie des territoires, la sauvegarde des races ou le bien-être animal. Autant de sujets qui conduirait, comme cela est le cas autour de nous, ailleurs en Europe, l’Etat à investir pour une filière qui basculerait alors de la colonne produit à celle de charge dans le budget de l’Etat.

Pour conclure, l’augmentation du prélèvement sur le produit brut des jeux a tout d’une fausse bonne idée : amenée sans concertation ni transparence, elle réussit de plus l’exploit de réunir injustice et inefficacité fiscale.

Pierre-Yves Pose
Président du Conseil des Équidés Nouvelle Aquitaine